Réflexion du projet
 


Je vais tenter de dresser un petit portrait du Burkina Faso tel que je l'ai vu, ainsi que quelques impressions et commentaires personnels. Ces quelques pages ne sont peut-être pas justes, mais c'est ce que j'ai retiré de mon voyage, suite à une certaine réflexion personnelle et des discussions avec d'autres de l'équipe. J'espère que ce document ne choquera pas le lecteur, car parfois les constats sont assez durs, mais ceci n'est en rien une critique du Burkina, je n'ai simplement pas cherché à embellir ce que j'ai vu.



La ville

La misère y apparaît terrible. Les villes ne sont pas vraiment jolies, l'essentiel est un peu construit n'importe comment, sans réelle cohésion. Seuls quelques grands axes présentent une volonté d'esthétique. Certains quartiers populaires ont été construits à la sauvage en commençant par les habitations, les chemins ayant été tracés par la suite. Ce sont de véritables labyrinthes pour ceux qui s'y aventurent.

On observe peu d'infrastructures routières, à l'exception de quelques axes principaux de circulations. La plupart du temps se sont que des simples chemins de terre plus ou moins défoncés, et quand bitume il y a, celui-ci est en mauvais état avec de nombreuses ornières. Le premier moyen de transport en ville est le cyclomoteur loin devant le vélo, qui sont les moyens de transport les pratiques car passe-partout et relativement peu coûteux. Hélas les moteurs mal réglés polluent la ville, et l'air de Ouagadougou sent fortement les gaz d'échappement de mobylettes, ce qui rend l'air un peu plus étouffant encore.

Il y a très peu de voitures dans le pays et le plus souvent elles sont très âgées ( parmi les modèles les plus courants on trouve les Peugeot 404 et 504, les Renault 12), les modèles importés d'Europe d'occasion sont fréquents. En effet les voitures sont très chères, trop chères, d'autant que l'Etat y met une taxe de 52%. Il y a un trop grand décalage entre le prix d'une voiture et le revenu moyen d'un burkinabé. Ici le premier but matériel d'un burkinabé dans la vie est une mobylette, puis s'il peut trouver un crédit auprès d'une banque, il se construira une maison, et cela s'arrête là.

Par ailleurs, on peut remarquer une chose toutefois lorsqu'on observe la population, c'est qu'elle ne meure pas de faim. Cependant, les enfants en bas age possèdent des ventres ballonnés, signe de malnutrition, mais tout ceci disparaît avec l'âge. On voit aussi de nombreux petits commerçants qui ont souvent des malformations tels que de gros kystes.

Ouagadougou est clairement la capitale administrative du pays. Elle est également le principal pôle universitaire du pays. Cette ville se révèle être très commerçante. On peut relever l'existence de Ouaga2000 qui est un ensemble de résidences très luxueuse. Chaque résidence porte le nom et le style architectural d'un pays. Elles sont destinées aux sommets mondiaux qui se déroulent à Ouagadougou. Mais on peut se demander s'il était vraiment utile de dresser autant de luxe au beau milieu de l'univers de misère que représente la banlieue de la ville. Ceci d'autant plus que ce luxe a probablement coûté très cher au Burkina et que la plupart du temps ces bâtiments sont vides. Il y a quelque chose de récoltant...

Bobo Dioulasso est, quant à elle beaucoup plus industrielle, et peut être qualifiée de capitale économique du pays. On retrouve de nombreux commerces destinés à l'industrie, à la construction. C'est le seul endroit où j'ai vu des charrues (mais je n'ai pas vu tout le pays) et j'y ai même aperçu de forts beaux tracteurs.



La sortie de la ville

 

Puis lorsqu'on sort de la ville, la première chose qui frappe est le peu de routes goudronnées. En dehors de la route de Ouagadougou à Bobo et des quelques liaisons avec l'étranger, il n'y a pas grand chose. En ce qui concerne le chemin de fer, il en va de même, il y a une unique liaison journalière entre ces deux villes par exemple. Les pistes sont souvent fidèles à elles même c'est à dire en mauvais état, les déplacements y sont donc lents et difficiles. On a vu l'entreprise Colas refaire une piste, mais le financement était assuré par la banque mondiale. On peut enfin noter qu'ici, c'est la loi de la jungle, c'est le gros véhicule qui passe, les autres s'écartent. Sur les pistes de nombreux piétons et cyclistes se déplacent.

En résumé, il y a peu d'axes de communications, tout déplacement dans le pays est très lent, parfois à la limite de l'impossible comme en saison des pluies où les rares camions et bus s'embourbent régulièrement.



La campagne

 

C'est un choc total !

On se retrouve projeté 2000 ans en arrière. Les cases sont très rudimentaires et demandent à être reconstruites tous les 10 ans au mieux. On trouve peu de bâtiments en dur et ce sont bien souvent les écoles, les dispensaires, financés par l'Europe. La vie est en concession, groupement de 5 ou 6 cases en moyenne d'une même famille. La plupart des concessions sont entourées de petits terrains cultivés par les femmes et les enfants.

La mentalité est tellement accueillante que si quelqu'un demande à s'installer au village, il pourra se positionner à l'endroit où il le désire, y compris sur le terrain des autres. Simplement, il ne pourra avoir de terrains autour de sa case ou concession. Il en résulte un village grand et allongé comparativement au nombre relativement faible de villageois. En début de matinée, les hommes se rendent aux champs situés parfois assez loin ( 5 km ou plus) et n'en reviennent qu'à la tombée de la nuit. Ceci n'a pas lieu de manière aussi intensive pendant la saison sèche. Sur ces champs, c'est le choc le plus total et c'est ce qui me fait penser que l'on est retourné 2000 ans dans le passé. En effet, seuls deux outils existent, un pour semer et un autre, la daba, pour le reste, ce qui est très peu. La charrue avec les boeufs n'existe même pas. Il semblerait que cela commence à apparaître tout doucement dans le Nord du pays. La possibilité d'un quelconque rapide développement agricole apparaît impossible.

Il y a une deuxième chose qui m'a surpris à mon arrivée au village, c'est la langue. J'estime que moins d'un cinquième qu village parle le français, ce qui fait très peu. Lorsque je dis que c'est très peu, ce n'est pas par esprit colonisateur, le français n'est pas la meilleure langue qui soit, mais il n'y a pas de langue burkinabé, donc faute de, seul le français peut servir de langue nationale ; et c'est aussi la langue officielle du pays.

Dans le village, on observe un manque flagrant d'instruction et de réflexion. Par exemple, les burkinabés font des greniers dans lesquels ils mettent le mil, le maïs. Le plus souvent, à la récolte, ils remplissent le grenier et vendent le surplus, pour le racheter 6 mois plus tard à la fin de la saison sèche environ 10 fois plus cher. Mais ils ne construisent pas pour autant l'année suivante un autre grenier, alors qu'ils en auraient la possibilité. Ceci me paraît pourtant une évidence, mais je suis éduqué différemment, c'est dommage ! Ces propos doivent cependant être modérés par le fait que c'est la tradition qui impose un grenier par homme et un grenier par femme, ils ne peuvent donc construire un grenier supplémentaire à leur gré.

Le pire en ce qui concerne l'éducation, ce sont les femmes, aucune d'elles ne parle le français (à l'exception de quelques jeunes). La communication avec elle est très difficile, car au-delà de l'obstacle de la langue, il y a celui de l'éducation. En effet, ici la femme est vraiment l'inférieur de l'homme et elles sont cantonnées à leurs tâches habituelles. Pourtant, ce sont elles qui travaillent le plus, ont le plus de responsabilités, elles sont la force du Burkina Faso.

Heureusement, l'école permet doucement de démocratiser le français et plus généralement l'instruction, mais ce sera long. En effet, tout le monde ne peut aller à l'école, car il faut d'abord subvenir à ses besoins, l'école coûte très cher pour des personnes qui vivent sans argent ou presque, et rares sont les filles qui vont à l'école. Le problème est que ceux qui s'éduquent partent à la ville et le village reste sous éduqué.



Le problème des femmes

 

Un fait nous a frappé au village, c'est le relatif peu de motivation apparente de l'ensemble des femmes du village. En effet, la plupart nous ont paru indifférentes à la construction de la maternité. Seuls quelques femmes et tout particulièrement la matrone nous ont donné l'impression d'être réellement intéressées. Par exemple, la matrone était présente tous les jours au chantier, amenait du dolo ( bière locale ) aux travailleurs.

Pour les autres je l'explique de différentes manières :

Je terminerais ce paragraphe en disant que les premières impressions ne sont pas forcément les bonnes, et que cette maternité est vraiment nécessaire au village de Wan.



Le problème des taxes

 

Ces villages sont un monde qui vit avec très peu d'argent, un billet de 500FCFA( 5FF) n'existe pas. Le seul lieu d'échange est le marché. Il en résulte que l'Etat ne peut avoir le moindre centime sous forme d'impôts des villages qui forment l'essentiel de la population. En ville, il en va souvent de même, les petits commerçants peuvent difficilement être imposés ou taxés, faute de vérification possible. La conséquence de cela est que les seuls objets qui peuvent être taxés le sont lourdement (comme les voitures). Cela ralentit encore plus le commerce des technologies, qui sont déjà le plus souvent très cher, le développement du pays s'en retrouve freiné d'autant.

D'autre part, les rentrées d'argent sont très faibles, donc les dépenses aussi, le pouvoir burkinabé ne peut entreprendre que peu d'actions ; Il a donc de grandes difficultés à construire des écoles, des dispensaires sans l'aide de fonds européenns, à construire et à entretenir des routes goudronnées et des lignes de chemin de fer. Ces problèmes sont encore accentués par une utilisation contestable des faibles recettes, on peut penser à Ouaga2000.


La mentalité africaine

Cette mentalité est mondialement connue, elle consiste à vivre tranquillement à être très chaleureux et privilégie le contact humain avant tout. On peut se demander, si elle n'est pas elle aussi, un frein pour le développement. Il est à signaler que la majorité des africains ne sont pas des faignants comme le prétendent sous beaucoup d'Européens. Vous verrez, travaillez sous des températures avoisinant les 40° n'est pas une mince affaire.

D'un autre côté, lorsque qu'un burkinabé vous dit " vous, e, Europe vous courez tout le temps, sans même savoir pourquoi, vous gagnez 5 minutes et après vous attendez 10 minutes." Ou est l'intérêt ? . Cela fait sourire, mais il faut reconnaître que c'est souvent le cas.

Mais ce mode de vie, qui ne cherche pas vraiment à avoir plus et ne voit pas l'intérêt de travailler plus ne s'oppose-t-il pas au développement ? On peut citer comme exemple le langage. Lors d'une réponse à une question, on va toujours le droit à un "Bon !" pour commencer ; lorsque la réponse est inconnue, " il n'y a pas de problème ", enfin un jour alors que nous étions en rupture de gaz, Mathias nous a dit " j'ai prévu, verbe qui nous a frappé car il ne fait pas partie du vocabulaire de la plupart des africains, ce n'est pas dans leur culture de prévoir et de planifier les évènements, Mathias fait ici un peu figure d'exception en combinant parfaitement bien la mentalité africaine et un peu la mentalité occidentale. Il n'est pas le seul ainsi, mais ces personnes qui aideront le Burkina à sortir de son sous-développement restent minoritaires.

Dans la majorité, ils attendent beaucoup des riches, les commerçants ne comprennent pas pourquoi ils n'achètent pas à chaque fois, et qu'un refus n'est pas synonyme de racisme. Même si cela n'est qu'un "argument" de vente, il n'en reste pas moins que cela me choque quelque peu. Ils ont parfois un peu cette mentalité " communiste " qui est " tout ce qui t'appartient m'appartient " et avec un blanc cela devient " tu es riche, donne, je peux bien te le prendre, tu n'en auras pas besoin", j'exagère un peu mais c'est ce que l'on ressent par moment. De plus, ceci est encore accentué par le fait qu'en Afrique, il n'y a pas de politesse comme en France donc on n'entend ni << s'il te plait >> ni << merci >>. Au village cette maternité communautaire se retrouve car dans les champs, on peut souvent voir les jeunes travailler ensemble, alors que ce champ n'appartient pas à tous.

Et cette mentalité, on la retrouve un peu en France avec ces personnes qui ont une mentalité d'assisté. Je pense notamment aux problèmes de banlieue, au chômage, aux personnes qui ne font rien pour s'en sortir. Ils ont un peu d'argent tous les mois de la société, et cela leur suffit pour vivre, ils n'ont pas une envie assez forte pour chercher un travail. Je comprends maintenant un peu mieux au passage certains problèmes français (sans pour autant les accepter, car à mon avis, c'est celui qui se déplace qui doit s'adapter à la culture du pays d'accueil).



Problèmes des ethnies

 

Un des gros problèmes du Burkina Faso est son manque d'unité. Il y a plusieurs milliers d'ethnies et autant de langues différentes. De ce fait, lorsqu'une ethnie prend le pouvoir, les autres sont mécontentes, car pourquoi telle ethnie prend le pouvoir, les autres sont mécontentes, car pourquoi telle ethnie plutôt qu'une autre ? Cependant au Burkina Faso, une seule ethnie est vraiment importante en terme de population, ce sont les Mossis, ce qui limite les risques de confrontation.

De plus, ce pays est sans Histoire commune. Cela se voit très bien par le peu de monuments qui existent. Il n'y que peu d'Art au Burkina, par exemple, la cathédrale de Bobo Dioulasso, jolie d'extérieur, elle ressemble tant à un hangar vue de l'intérieur. Le Burkina vit sans futur, par son mode de vie, mais il n'y a pas non plus de passé. Je comprends un peu mieux le pourquoi des incessantes guerres ethniques en Afrique comme en Yougoslavie. Faire du Burkina Faso une nation sera long. Il n'y a qu'à voir combien de temps la France a mis pour s'unifier, et encore certaines régions revendiquent leur différence, leur langue, voire leur indépendance. C'est un problème énorme, que la langue française et les moyens de communications ont permis de réduire en commençant de mélanger un peu la population, et en facilitant les relations et communications entre "burkinabés".

En conclusion, le Burkina Faso est un pays très pauvre, mais qui aura beaucoup de mal à se développer. En effet, de nombreux faits montrent que ce développement très occidental n'est pas la principale de leur préoccupation. Dès lors, que convient-il de faire ? Doit-on les laisser dans leur pauvreté, car ils sont heureux de vivre même avec peu ? Il est possible que la plupart d'entre eux soient plus heureux que nous, même si dans leurs têtes la France est l'Eldorado, car ils n'en imaginent pas les points négatifs. Cependant cette remarque ne s'applique pas à la ville, lieu de misère pour beaucoup. Mais d'un autre côté, je pense qu'il n'est pas humain de les laisser dans des conditions d'hygiène déplorables. Nous sommes ici devant un dilemme philosophique, sur lequel je ne m'étendrais pas : vaut-il mieux essayer de leur imposer un mode de vie qui ne leur convient pas (même s'il nous paraît meilleur à nos yeux) ? Ceci dit l'aide des pays du Nord au pays du Sud me paraît indispensable, reste à savoir quel peut-être sa meilleure utilisation ? Malgré toutes les critiques apparentes de ce magnifique pays qu'est le Burkina Faso, mon séjour a été une expérience formidable, j'y retournerai.

                                                                                                                                                                                                 Gabriel, le président de relais

Ma petite phrase personnelle : On ne peut commencer à comprendre l'Afrique qu'à partir du moment ou on y a été.

Petite phrase de Véronique ( Québec ) : L'Afrique, ça ne s'explique pas, ça se vie dans son âme et dans son coeur.



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